The Phoenician Scheme
On entre dans The Phoenician Scheme comme on pousserait la porte d’un musée Wes Anderson : symétries impeccables, couleurs pastel parfaitement agencées, costumes millimétrés, répliques sèches lancées avec un sérieux pince-sans-rire. Tout l’univers est là, toujours aussi léché, toujours aussi immédiatement reconnaissable. On s’installe, rassuré de retrouver ce cocon visuel où chaque plan pourrait être encadré et accroché au mur. Sauf qu’au bout de quelques minutes, une impression tenace s’installe : celle de voir un cinéaste qui recycle ses propres trouvailles comme on ressort un vieux costume bien taillé, mais un peu usé aux coudes.

L’univers est intact, mais la magie, elle, s’émousse. Wes Anderson semble tourner en rond, appliquant sa formule avec un professionnalisme impeccable, mais sans l’étincelle qui la faisait vibrer.
L’histoire, chez lui, n’a jamais été l’élément central. On lui pardonnait volontiers, tant l’émotion, l’humour et le sens du détail suffisaient à nous emporter. Mais ici, le récit est si embrouillé qu’on finit par se demander s’il existe vraiment. Cette histoire de magnat et de projets mystérieux se délite en une succession de scènes aussi belles qu’hermétiques, où la mécanique visuelle écrase toute tentative de cohérence narrative. On ne décroche pas seulement de l’intrigue – on en perd même le fil.
Reste toutefois un atout majeur : Benicio del Toro, l’acteur principal, absolument excellent. Il apporte une intensité et une précision de jeu qui donnent par moments l’illusion que le film a plus de profondeur qu’il n’en a réellement. Sans lui, l’édifice, aussi somptueux soit-il, se serait peut-être écroulé sur lui-même.
En bref, on retrouve tout Wes Anderson : ses tics, son sens du cadre, ses personnages lunaires, sa bande-son impeccable, et un choix d'acteurs excellent. Mais à force de ressasser les mêmes motifs, il donne l’impression d’avoir fait le tour de sa propre carte postale.
Chronique ajoutée ce 13 août 2025 à 20h55
