top of page

Geese - Getting killed

la note moyenne est 4.6 sur 5

Avec Getting Killed, le quintette new-yorkais livre un disque qui refuse la stabilité, qui célèbre la tension, le vertige et la cassure comme des principes créatifs. Rien n’est lisse ici, tout respire, vacille, grince — et c’est précisément là que réside sa grandeur.

Geese - Getting killed

Dès les premières mesures, on sent que Geese s’autorise tout — la dissonance, la douceur, la folie — avec une liberté qui évoque la frénésie des grands disques, ceux où un groupe s’invente à mesure qu’il joue. Getting Killed n’est pas un album classique : c’est un disque qui se fait au fil des écoutes, un organisme vivant. Il gronde, se déforme, se reforme. Il est imprévisible comme un corps sous tension.

La production de Kenny Beats, fine et rugueuse à la fois, ne cherche pas à dompter ce chaos : elle l’accompagne. On entend chaque instrument jouer comme s’il devait parler avant qu’on ne le coupe : la batterie cogne pour survivre, la guitare s’arrache à elle-même, la basse bat comme un cœur en panique. Cameron Winter chante comme s’il était toujours à la limite de la rupture, du cri, de la confession. Sa voix navigue entre la théâtralité et l’effondrement, passant du murmure inquiet au falsetto tendu, et c’est ce déséquilibre qui donne au disque sa chair.

Les morceaux se succèdent comme des tableaux d’une même crise : Taxes sonne comme un uppercut social et nerveux, Au Pays du Cocaine suspend le tumulte dans un moment d’étrange beauté, Back in the City fait se télescoper groove et angoisse urbaine. On passe d’un climat à l’autre sans prévenir — mais plutôt que d’y voir de l’incohérence, on y entend une logique du vivant, une respiration. Chaque cassure devient un souffle, chaque dissonance une ouverture.

Ce que d’autres qualifieraient d’“inégal” relève ici de la variété des pulsations. Geese refuse la linéarité, et c’est cette absence de trajectoire fixe qui rend l’écoute fascinante. On ne sait jamais où l’on est, ni ce qui va suivre — et cette incertitude devient vertige. L’album s’écoute comme une errance dans un territoire mouvant, où le rock se mêle à l’abstraction, à la soul, au jazz mental, à l’angoisse et à la joie. Une musique qui ne choisit pas entre penser et exploser.

Ce disque est d’une sincérité presque brutale : il ne cherche pas à séduire, il cherche à dire, à sentir, à se décharger. Chaque titre semble animé par la nécessité de survivre à quelque chose — à l’époque, à soi-même, à la peur. Et cette intensité n’est pas épuisante : elle est libératrice. On en sort lessivé mais grandi.

Avec Getting Killed, Geese signe un album immense qui va marquer profondément.

Chronique ajoutée ce 13 octobre 2025 à 21h03.

Nos réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • YouTube

Le contenu du présent site internet ne peut être reproduit, distribué, transmis, copié ou utilisé d'aucune manière, sauf permission expresse et écrite de son auteur.

bottom of page